








| |
Slayer-Reign in Blood

Sans doute les premiers à poser les bases de ce que sera
Trash Metal à venir et qui peuvent toujours se vanter aujourd’hui d’être dans le
peloton de tête des groupes plus méchants et rapides de tous les temps, les gars
de chez Slayer sont de ceux qu’on ne présente plus : Tom Araya, le chanteur
bassiste à la voix exceptionnellement laide à tel point que ça doit être marqué
au fer blanc dans son code génétique qu’il aurait jamais du échouer derrière un
micro, Kerry King le molosse à guitare qui jadis avait cette superbe tonsure
blond foncé qui lui retombait sur les épaules et qui maintenant est entièrement
chauve avec ce tatouage remontant du dos de sa main jusqu’à l’arrière de son
crâne, Jeff Hanneman, second guitariste un peu plus discret mais inspirateur du
groupe (on lui doit la plupart des textes, dont celui d’Angel of Death) qui,
comme pas mal de personnalités du rock bollocks est fasciné par la période de la
seconde guerre mondiale et enfin le petit Dave Lombardo, qui à part ses cheveux
longs et la rapidité anormale de son jeu de batterie n’a rien à faire dans un
groupe où l’agressivité règne sans partage même dans le physique des trois
autres membres, qui sont du genre imposant, alors que lui est juste normal avec
une nette tendance à être fluet (Notons que pour un groupe Californien,
l’absence d’un membre nommé « Mike » est appréciable, même s’il y a quand même
un « Dave »).
Bref, tout ça pour en venir aux choses sérieuses : si
demain un état totalitaire ordonnait à son peuple de ne choisir qu’un seul album
de Slayer à garder, promettant tous les autres à un autodafé
mémorable, avant de vous récrier et de beugler « roh, mais qu’on les brûle tous,
moi Slayer j’en ai rien à branler » réfléchissez-y bien, ou tout du moins suivez
ce conseil et votez pour que l’armée épargne Reign in Blood. Pas que ce soit le
seul de valable, loin de là… Si on accroche à Slayer, on a de bonnes chances de
trouver son bonheur sur une quantité honorable d’albums tout au long de leur
carrière, nos amis californiens faisant preuve d’une constance admirable. Non,
c’est juste que Reign in Blood date de 1986, un album qui a donc près de vingt
ans, et que la rapidité outrancière des douze morceaux qui se succèdent est
tellement anormale pour l’époque qu’il fait bon garder cet album comme
témoignage de l’Agression dont ces gens étaient capables (aujourd’hui avec tout
ce qui est Death, Black, Punk Hardocre tout ça, faire dans le rapide est moins
exclusif, vous en conviendrez, et sans dire que chez Slayer ils sont à la masse,
ils ont quand même plutôt vite perdu ce qui faisait leur originalité).
|
 |
 |
De plus, autre argument de taille en sa faveur,
et pas des moindres, cet album contient deux des chansons les plus colossales
qu’ils aient jamais pondues : j’ai nommé l’inutilement subversive « Angel of Death » et l’abjecte, donc cool, « Raining Blood ».
Angel of Death traduit donne « Ange de la
Mort » qui est, les gens cultivés s’en seront déjà aperçu, le surnom attribué au
Dr Mengele, le biologiste fou des camps de la mort nazis et sans doute le
criminel de guerre le plus abominable jamais traqué. Donc Angel of Death est une
chanson à thématique Nazie, où Tom Araya beugle de sa voix si particulière d’Hispanique
coléreux un texte haché, sale, gore et malsain (qui a sans doute inspiré les
petits mignons de chez Cannibal Corpse, qui ont perpétué l’utilisation de
thématiques gores dans leurs chansons) sur les malversations médicales
auxquelles se livrait Mengele sur ses fameux jumeaux, raconté à la première
personne du point de vue de la victime et le tout sur fond de boucle
bourdonnante de près de cinq minutes. Une expérience éprouvante.
Par la suite, il y a eu toute
cette polémique inutile comme quoi « bouaaaaah, Slayer est un groupe
antisémiiiite ! » alors que bon, un chanteur bien basané avec les cheveux bien
noirs et à la voix bien caractéristique qui parle de « défendre la race
aryenne », on se doute bien que le sérieux n’est pas vraiment de mise. En plus
leurs pochettes et la plupart de leurs textes sont déjà ouvertement
anti-chrétiens, alors c’est pas vraiment la peine d’en rajouter de ce côté-là.
Polémique inutile donc.
Ensuite il y a Raining Blood, une histoire de
purgatoire, de pluie de sang et d’âmes damnées, qui s’ouvre sur une petite intro
ambiante à base d’effets larsens spookys et d’un bruit de pluie pour montrer que
« hey ! bourrinage mais aussi parti pris artistique, attention ! » après quoi
s’enchaîne le riff ultra connu que tout le monde a au moins entendu une fois
dans sa vie… Puis LE bourdonnement implacable de deux notes graves maximum de la
part des guitares et de la basse, le tout accompagné par une double grosse
caisse traumatisante et cette image peut-être pas si fictive du petit Dave et
son sourire en coin derrière ses fûts en train de jalouser les pectoraux et les
mâchoires carrées des trois autres. Un morceau atroce, d’ailleurs disponible et
facilement trouvable en sonnerie polyphonique, ça serait bête de ne pas se la
procurer tant l’aspect purement apocalyptique de le chanson est bien rendu.
Le reste de l’album est plus anecdotique, de
sinistres brûlots ultra rapides et maladroits qui se succèdent de manière pas
très sympa mais toujours rigolote et qui font dire que ces types sont décidément
bien trop cool d’allier un cassage du cul massif à jouer aussi vite (ce qui
n’est pas à la portée de tout le monde) et ces airs basiques d’une agressivité
phénoménale. Et puis comme on est aux années 80 et que King et Hanneman sont
jeunes, à quoi est ce qu’on a droit à pratiquement chaque morceaux, même s’il ne
durent même pas trois minutes ? OUI ! A des solos ! Très courts généralement,
extrêmement rapides (on s’en doutait), impitoyables vis-à-vis de toutes les
règles les plus basiques de l’esthétique… Une véritable horreur. King et
Hanneman se donnent la réplique pendant cinq à dix secondes chacun (une durée
dérisoire où ils parviennent pourtant à caser un nombre ahurissant de notes,
généralement dans les aigus parce que quitte à faire quelque chose de moche
autant y aller à fond), le tout s’étalant tout au plus sur une trentaine de
secondes. On aimerait croire que ça a pour effet principal une rupture de ton
majeure avec le reste de la chanson mais non, ces solos sont bien dans l’esprit
Groupe de l’Agression et ne jurent pas vraiment plus que le reste qui se
débrouille très bien tout seul pour jurer avec à peu près tout et n’importe
quoi, et ça c’est fabuleux (on remarquera d’ailleurs que cette tendance s’est
bien vite effacée au fil des années au profit de chansons plus longues et de
l’utilisation massive de la Distorsion, preuve s’il en est qu’ils ont quand même
un vague regard critique sur ce qu’ils font et qu’ils savent s’imposer des
limites, les années 80 appartenant au passé). Et on remarquera aussi dans le
livret de l’album avec les jolies paroles dedans, toujours très utile pour le
cas où en écoutant d’une oreille distraite on aurait eu un doute quand à
l’horreur qu’on a cru entendre, que pour « Rainning Blood », qui se clôture sur
les solos des deux guitaristes joués en même temps (et oui…), ils ont eu la
décence d’indiquer ce passage par « noise » et non pas par « solos ».

Concernant Tom Araya, qui a
l’époque était jeune lui aussi et qui était tout autant au beau milieu des
années 80 que ses amis, il lui arrive de pousser des hurlements suraigus
toujours injustifiés à ce jour (notamment un plutôt retentissant et
représentatif au début d’Angel of Death), habitude qui, comme pour ce qui est
des solos indescriptibles, a fini par se perdre parce qu’à force de chanter
comme quand on engueule quelqu’un, la voix finit par changer. Alors les
hurlements de fillette c’est fini maintenant. Même si les hurlements normaux
sont toujours d’actualité.
Donc voilà, comme bilan on aura
du mal à dire autre chose de Reign in Blood que c’est un album tellement
affreux, tellement extrême, tellement épileptique et impardonnable qu’il en
devient surtout marrant et appréciable de par ses qualités indéniables de
défouloir efficace, en plus d’avoir une pochette à l’esthétique difficilement
appréhendable et une photo du groupe à l’arrière de la boîte qui balaye tous les
doutes qu’on aurait pu avoir quant à leur sérieux potentiel que laissent souvent
planer les photos de promo.
Chaudement conseillé.
H.
|